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Marc

Publié le par Sisyphe

   Sous les lumières multicolores des rues emplies de vitrines, de maisons aux fenêtres décorées, des appartements aux balcons clignotants d'hypocrisie semi bourgeoise, Marc marche.

 

Marc marche dans la nuit devenu diurne pour lui, il marche pour ne pas avoir froid. Juste pour ne pas avoir froid.

Il n'en a pas encore l'air non, il n'a pas l'intention de l'avoir, Marc se rase, se lave, pourtant Marc n'a plus de toit et sa maison tient dans deux grands sac remplis de linge de moins en moins propre. Le long de cette promenade déclenchée par un instinct de survie, Marc regarde ce qu'il n'a pas le désir de devenir. Les tentes rouges éclairées par la cathédrale et les lampadaires de la ville, lui évoque un respect qu'il ne connaissait pas, Marc découvre que l'on peut parvenir a dormir dans le froid.

C'est une introspection profonde qui fait son insomnie, le froid seul pour excitant, Marc est fier malgré tout, car Marc se rappelle qu'il a toujours été seul, comme les résignés qui l'entourent.

 

Sous les lumières multicolores des rues emplies de vitrines, de maisons aux fenêtres décorées, des appartements aux balcons clignotants d'hypocrisie semi bourgeoise, Marc marche.

 

Depuis quinze jours, Marc marche, découvre la faim et comprend le froid, découvre un monde qui n'existait que peu sous son regard distrait par le labeur et les problèmes d'une vie de travailleur. Parfois il donnait une pièce, sans y penser, la monnaie du pain, des clopes ou d'un magasine inutile, il donnait une pièce a ce clodo qui n'en demandait pourtant jamais, lui juste assis, soufflant les yeux fermés avec talent dans son harmonica. Un jour ou il préparait ses pièces pour cet artiste du bitume, en sortant du magasin hard discount alimentaire ou au fil du temps sa propre précarité l'avait poussé à entrer, Marc trouva l'harmonica de cet homme sans nom, abandonné sur un journal du mois de juillet. Le musicien était parti. C'était il y a un an jour pour jour sous les lumières multicolores des rues emplies de vitrines, de maisons aux fenêtres décorées, des appartements aux balcons clignotants d'hypocrisie semi bourgeoise. Un an que la vielle dame qui venait lui apporter un peu de soupe, une couverture, l'avait regarder les yeux mouillés en lui disant qu'il était sûrement au chaud.. la haut. Un an jour pour jour que sous les lumières multicolores des rues emplies de vitrines, de maisons aux fenêtres décorées, des appartements aux balcons clignotants d'hypocrisie semi bourgeoise, que son index levé au ciel avait marqué le départ d'un homme qui ne demandait plus rien et dont personne ne connaissait le nom. Alors Marc se souvient, et il ne veut pas finir ainsi. Car Marc est fier, comme tant d'autres ici, il croit en lui et en son courage, alors Marc marche pour ne pas avoir froid. Il découvre qu'on peut ne pas manger de trois jours, découvre qu'on peut tenir autant sans dormir, en marchant sous les lumières multicolores des rues emplies de vitrines, de maisons aux fenêtres décorées, des appartements aux balcons clignotants d'hypocrisie semi bourgeoise. En très peu de temps Marc découvrira la morsure de l'indifférence, en peu de temps Marc ira très loin dans sa tête, comprendra tellement de choses que la chaleur et le confort d'antan  lui avait malicieusement caché. Marc relativise et ne perds pas courage.

 

Un an a passé. Marc était toujours fier sous les lumières multicolores des rues emplies de vitrines, de maisons aux fenêtres décorées, des appartements aux balcons clignotants d'hypocrisie semi bourgeoise.

 

Un an a passé et Marc a découvert a quel point l'apparence masque le courage et la détermination aux yeux de ceux qui pouvaient faire en sorte de rendre honneur a sa ténacité,  a quel point l'apparence masquait aux yeux de ceux qui pouvait lui donner du travail, sa capacité a travailler bien mieux que ceux qui ont le ventre plein d'inconscience et de chocolats de noël. Marc avait découvert a quel point s'oubliait vite le goût des choses simples, a quel point tout pouvait devenir inaccessible. Il l'avait constaté, quand il avait découvert que l'on pouvait ne pas se laver de plusieurs mois, par découragement. Ill fut longtemps en colère Marc , contre tout, contre rien, contre les gens, contre sa douleur. Marc avait gardé l'harmonica du musicien qui ne demandait plus rien. Il avait appris a en jouer. Lui aussi par fierté, par constat d'indifférence. Au fil du temps qui avait tissé le voile masquant son espoir, Marc jouait de l’harmonica sur son journal du mois d’août et ne demandait plus rien, et n'en voulait  plus a personne.

En un an et quinze jours, Marc était allé plus loin dans sa tête, que bien d'autres en toute une vie.

 

Aujourd'hui, son harmonica chante sous d'autres lèvres colorées par le froid. Sous des lèvres fières comme les siennes qui commencent aussi a ne plus être colère.

 

Car Marc est mort de froid.

 

Sous les lumières multicolores des rues emplies de vitrines, de maisons aux fenêtres décorées, des appartements aux balcons clignotants d'hypocrisie semi bourgeoise. Et dans l’indifférence du bonheur des autres.

 

 

Fin

 

 

M.R 2009

Réédition modifiée 2011

Commenter cet article
T
<br /> <br /> Bonsoir.<br /> <br /> <br /> Je viens de lire Alfred que je prendrai un autre jour pour le mettre sur mes blogs. En vous citant bien entendu.<br /> <br /> <br /> J'ai pris l'hirstoire de Marc. Je me reconnais un peu en "vous". Je suis toujours depuis des "lustres" envahie par le malheur des autres. Je ne le supporte pas, mais que faire, sinon en parler.<br /> J'ai vu des personnages à terre mourir, et des personnages sur le bouches ce chaleur du métro. J'ai très souv ent en encore maintenant était malheureuse, de ne pouvoir rien faire.<br /> <br /> <br /> Merci à toi ou à vous, de penser à toutes ces personnes, qui n'ont pas eu de chance.<br /> <br /> <br /> Tina<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> c'est très bien écrit puisque ce texte à réussi à me déranger...<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Ha ben c'est bien parceque c'est le but!!<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> Troublant et profond, un peu comme un suicide assisté, cette mort dans l'indifférence.<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> le reportage responsable de ce texte était silencieusement violent...<br /> <br /> <br /> Merci de ta lecture Ari :)<br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> <br /> Bonjour <br /> <br /> <br /> Merci pour ce beau texte  passe une bonne journée sous un beau soleil bisous féerique evy<br /> <br /> <br /> Mon nouveau blog a visité clic : http://l-ange-noir.over-blog.com <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Merci de ta lecture Evy, a bientôt chez toi :)<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> <br /> Ce texte serait-il prémonitoire ? Avant-gardiste ?<br /> <br /> <br /> T'aurai pas pu choisir un autre prénom :(<br /> <br /> <br /> Le contraste est persistant dans ce texte et y'a pas que l'hypocrisie semi bourgeoise, elle est présente tout au long de l'année bien que Noel même chez les plus démunis reste encore le seul jour<br /> ou nous pourrons avoir une pensée pour eux afin apprécier peut-être légitimement notre bonheur. Et encore, si la lucidité est encore présente après l'apéro ce que j'en doute fortement ... <br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Tout a fait d'accord avec toi quant a l'intemporalité et le statut de l'hypocrisie!!<br /> <br /> <br /> Effecutvement Marco, j'aurai pu en prendre un autre^^ mais ce texte est né suite a une vidéo ou le sujet se prénommait Marc :/<br /> <br /> <br /> N'ayant aucun pouvoir prémonitoire, je gage et éspère, que cela ne te concerneras jamais :)<br /> <br /> <br /> <br />