L'appel de dame Défense.
Pour participer a un petit jeu lancé par THE croque morts qui, en plus de manier aussi bien la plume qu'un tanathopracteur de metier manipule ses produits, est le tenancier d'un web-magazine aigre-pas souvent doux: Croque Morts (Le seul blog sur le pompes funèbres au monde, quand même ça merite précision et honneur) Bref, Guillaume Bailly, comme le precise si bien Serge Reynaud un autre auteur qui va bien, nous a proposé de raconter une anecdote sur notre service militaire. Comme je fais parti des exemptés et que j'avais envie de jouer quand même avec lui, je raconte donc ici ma JAPD. Si elle n'est pas exceptionelle, tout est vrai et rien n'est romancé, même pas un peu. Bonne lecture!
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C’était en l’an pas loin de n’être plus de grâce 1998… ou 99 je ne sais plus trop à vrai dire.
C’était un beau matin de mardi, ou samedi allez savoir, d’un mois dont je n’ai plus aucun souvenir, autant vous dire donc, que la saison reste comme le soldat. D’ailleurs en parlant de soldat, par ce beau matin qui était peut être un soir finalement, me tombe dans les pognes une enveloppe « T » arborant fièrement le petit drapeau de notre beau pays (coté paysages.)
Dessus y figurait mon nom avec tous mes prénoms, c’est rare. Aussi est-ce fébrile et dans l’expectative que j’entrepris d’ouvrir cette lettre semblant si officiellement solennelle. Cette missive m’enjoignait à une obligation : celle de faire une journée pour ma patrie et les services de recensement. Le couperet était donc tombé : j’étais officiellement convoqué à la fameuse JAPD, la Journée d’Appel Pour la Défense. Tatataaaaan.
J’aurais bien aimé naitre en 79… Eux ils n’ont rien fait, tombés allez savoir pourquoi dans un vide intersidéral administratif n’ayant de sens que pour d’obscurs esprits. Mais qu’importe. Je tenais dans une main une grande lettre de rendez-vous obligatoire et dans l’autre un billet de train que je regrette de ne pas avoir encadré : un aller- retour de ma petite ville à la grande caserne via une ligne de train n’existant pas. Le ridicule de la situation m’aura permis de rire pendant un bon moment, c’est déjà ça.
Me voila donc parti le jour dit, pour l’heure dite au lieu dit, vaille que vaille, direction la caserne militaire de Varces, grande et belle caserne sportive blindée de kakis... sportifs. L’avantage de telles réunion de gens de la même année, c’est qu’effectivement : on est tous de la même année. Par conséquent : grandes retrouvailles de potes de maternelle, de primaire, du collège… c’est fun : tout le monde bois, tout le monde fume des clopes, des joints, du cerveau… qu’elle est loin l’innocence des cabanes dans les bois. C’est donc dans un brouhaha de vieux potes qu’un jeune et fringuant maréchal des logis nous alpague d’un bon gros « Allez les gars, on y va »
Et on y est allé, en faisant tourner aux gardes d’accueil qui carburaint plus que nous tous réunis. Bref : sympathique intro.
Passons rapidement les détails tout propres de la caserne qui s’était fardée pour nous, les jeunes. Les canons étaient brillants, les tanks de sortie, les expos d’armes avaient bon dos. On nous amena dans une belle salle de cours avec de biaux posters partout afficheurs de superbes clichés d’actions militaire, de présentation d’armes et de beaux mannequins tout bien habillés de dents blanches voulant nous faire dire que « l’armée, c’est trop cool ». Soit. Pourquoi pas, après tout le maketing n’est pas exclusivement commercial hein.
Un beau groupe de d’jeuns que nous étions. Une bonne moitié de babos longs du cheveu et denses de la dreadlock, quelques goths noirs de la fringue et de la pensée, un soupçon de métalleux cloutés autistes du baladeur-cassette, une bonne poignée de skatos bas d’cul du baggy et enfin les quelques exceptions rendant le tout cohérant : une lichette d’enfants tout sages propres des lunettes et des aisselles.
Le maréchal sympa du logis, nous fait assoir, nous fait dire bonjour, nous explique un tas de choses sur la journée qui nous attend pendant que, déjà : tout le monde avait la dalle en pente. Car faut pas croire ce qui se dit : Fumer de la drogue, bah ça donne faim.
Arrivent les premières réjouissances, un premier test. Une feuille photocopiée de travers affichant un bout de programme télé nous fait face, une autre donnée nous pose des questions du style : « Quelle émission passe tel jour a telle heure sur telle chaine? »… murmure, pouffage, éclats de rire sont de circonstance, on se regarde tous les uns les autres en rigolant et en se demandant le but réel de ce questionnaire. Les babos secouent la tête, les goths regardent avec dédain, les métalleux s’en branlent, les skatos rigolent comme… comme des skatos, et les bons garçons s’appliquent. Comme bien sur au bout de 3 minutes sur les 20 accordées pour répondre a 10 questions, c’était le bordel, le cool maréchal des gentils logis nous invitent à s’en griller une, nous sommes donc allé avec lui s’en griller un. Au cours de cette activité répréhensible mais néanmoins teeeeeellement courante dans notre beau pays (coté peintures), nous lui posâmes tout de même la question si on nous prenait vraiment pour des abrutis. Nous apprîmes donc avec un soulagement goguenard que ce test ne visait qu’à détecter l’analphabétisme… ça roule.
La suite c’est film, clope, film… intervenant « l’armée c’est bien », clope, film… clope, bonne bouffe et bière a volonté, encore film, clope et vomissage de bière pour certains qui s’étaient mis minables, intervenant « l’armée c’est trop bien » clope et suite a un dernier film sur l’armement et ses projets d’avenir puis : THE intervenant. Un big boss de la caserne… un colonel. Un beau, un grand, un fier et propre colonel avec ses 18kg de médailles.
Là est l’anecdote sympa.
Le colonel engage au débat, enfin surtout a la question. Les questions se posent donc, inutiles, ridicules, quelques interessantes malgré tout et puis LA question. Un hybrid bab-skato-autisto-premier de la classos lève le doigt et demande :
« Et au niveau du développement des armes bactériologiques où en est la France ?»
Et la le colonel de nous servir du tac au tac avec un sérieux dépassant l’entendement :
« Jeune homme, ce type d’armement n’existe pas, et il n’est pas dans les projets de l’armée Française d’en développer. »
Son aplomb et sa courte phrase fit éclater de rire la salle entière qui, fort de sa bonne trentaine d’hilares, fit résonner toute la caserne. Fous rires et quolibets durèrent 5 bonnes minutes après les 30secondes qu’il fallut au colonel pas crédible pour ne pas ramener le calme et s’esquiver de la salle en emportant sa nouvelle décoration d’écrevisse 1ere classe.
La journée se termina ainsi, sur cette bonne barre de rire. Sans dèc’ : trop fort le colonel.
Et en plus, on me remboursera un billet de train inexistant que je n’avais déjà pas payé à la base, en vertu d’un voyage que je n’ai jamais fait.
Si ce n’est pas beau ça…
M.R 2011