L'adieu au papillon
A la mémoire de nos ans, qui deviennent des heures,
Et en l’honneur du temps, leur offrant la, cette faveur ;
Aux sourires des instants, figeant la pendule du bonheur,
Et aux flots salés des amants, qui en relancent le moteur ;
Qui a plus de raisons de vivre,
Que la chose qui s’éteint,
Et qui donc reste plus libre,
Que le rêveur a l'espoir vain.
A l’élixir des discrets songes, distillat bleu de mélancolie,
Qui éreinte, teinte et ronge, ceux qui s’enivrent à sa lie ;
A l’excellence des rouages, des serrures de leurs esprits,
Gardant, jalouses, en cage, leurs plus secrètes rêveries.
Qui a plus de raisons d’aimer,
Que la chose que tout quitte,
Qui donc désir plus un foyer,
Que celui que rien n’abrite.
A la fleur bleutée des âmes, dont le silence mande pardon,
D’en avoir perdu le sésame, et de leurs cœurs la direction.
Aux murmurés épithalames, ne parlant que d’une saison,
Ne parlant que d’une femme, d'un printemps, d'une déraison.
Qui a plus de raison de pleurer,
Que le dépourvu de larmes,
Qui donc plus cherche la paix,
Que celui n’ayant pas d’arme.
A nos identiques faiblesses, a l’ignorance que l’on sème,
Au silence de la détresse, et son mutisme anathème.
A cette antique sagesse, professant le carpe diem,
Aux tristes qui délaissent, l’espoir de dire je t’aime.
Qui a plus de raisons de vivre,
Que la chose qui prend fin,
Et qui donc reste plus libre,
Que celui qui n’attend rien.
A toi, mon bois, ma flamme, fléau ultime de ma déréliction,
A toi, fertilisant de mon âme, ces quelques mots, ces quelques sons.
Tes semences, ma belle dame, se cultivent encore en mes sillons,
Puis-je en tirer un jour le dictame et apaiser mon adieu au papillon.
M.R 2011